Dans la partie I de cet article sur l’apprentissage au 21e siècle, je me suis intéressé au quoi, c’est à dire à ce qu’il faut apprendre pour répondre aux exigences du présent et du futur. Nous avons vu qu’un certain nombre de compétences étaient requises, celles qui permettront aux jeunes de de trouver leur place dans une économie mondialisée, et de s’adapter en permanence aux changements.
Dans cette Partie II, je vais m’intéresser au comment: comment apprend-on au 21e siècle?
Pour François Taddei, que vous allez avoir l’occasion de regarder/écouter dans un instant, seuls les jeunes nés au 21e siècle seraient en mesure de nous le dire.
Mais je vais tout de même tenter de répondre à la question malgré mon grand âge.
Quand on y regarde bien, l’éducation et la formation ont très peu changé dans leurs formes concrètes. Une école d’aujourd’hui n’est pas très différente de l’école des années 50 (celle que j’ai connue). La formation présentielle, c’est à dire un formateur devant 15 à 25 stagiaires, est toujours la forme privilégiée de la formation en Allemagne, aujourd’hui, et consomme 97 à 98% des budgets de formation des entreprises et institutions. Cela malgré les progrès du e-learning (progression de+15% de CA annuel de la branche en 2015).
Un mouvement de fond de digitalisation de l’économie (la “digital disruption”) touche aussi les domaines de l’éducation et de la formation. Les MOOC, COOC, SPOC, et autres acronymes envahissent les salons spécialisés et, depuis quelques années, la presse grand public.
Le monde de l’éducation est invité a se ré-inventer suite aux résultats désastreux de la France dans la dernière enquête PISA, mais pour Jean-Paul Delahaye, la refondation de l’école, n’est pas un sujet technique, mais avant tout politique (1)
La question va encore au-delà. Quand on parle de “deep learning”, ce n’est plus l’homme qui apprend, mais une machine.
Enfin, selon Yuval Noah Harari , que je traduis librement depuis la version anglaise de son livre “Sapiens, A Brief History of Humankind” Vintage Books London (2):
“le projet le plus révolutionnaire est la tentative de concevoir une interface directe et bi-directionnelle entre le cerveau et l’ordinateur qui permettra à l’ordinateur de lire les signaux électriques du cerveau humain, et simultanément de transmettre des signaux qui pourront être lus par le cerveau”.
Comment apprendre, quand de toutes les manières nos cerveaux seront toujours plus lents que les réseaux d’ordinateurs, communiquant à des vitesses qui atteignent les deux tiers de la vitesse de la lumière?
Dans cette vidéo de 13 minutes, en s’appuyant sur l’évolution du triangle sciences, éducation, technologies, François Taddei, nous donne sa vision de l’éducation au 21e siècle.
Comme François Taddei nous le dit si bien au début de son intervention, ce n’est pas la technologie qui compte, c’est l’interaction entre les hommes.
Et, si je devais résumer sa pensée ce serait par cette formule:
HOMME + TECHNOLOGIE > TECHNOLOGIE > HOMME
Autrement dit, seul l’homme allié à la technologie sera supérieur à la technologie.
Du côté des entreprises, l’offre de solutions techniques diverses et variées explose:
Réalité Virtuelle, Réalité augmentée, Mobile Learning, Digital learning, Mooc, CooC, SPOC, Serious Games, LMS et LCMS, RSE … se lancent à l’assaut des visiteurs sur les salons professionnels.
Chaque année l’on voit arriver de nouveaux entrants qui avec leur solution, leur “box” à tout faire, introduisent le digital dans le présentiel, et ce faisant fusionnent les mondes: présentiel / distanciel, réel / virtuel, synchrone et asynchrone.
Déjà la 3D, telle que les outils logiciels de la Société Dassault Systems permettent de la réaliser, est potentiellement un formidable outil de formation (par exemple à la maintenance préventive dans l’usine virtuelle, avant même que l’usine ne soit construite).
La réalité virtuelle, permet de se déplacer dans des espaces inaccessibles, dangereux ou lointains, voire disparus.
La réalité augmentée nous permet d’apporter des informations complémentaires, en situation et en fonction d’objectifs ou intentions de l’acteur (ou d’informations dont on dispose sur les besoins, attentes, préférences, de l’acteur, géolocalisé…).
Watson, la solution d’IBM, permet déjà de faire des analyses très puissantes de profils de personnalité, à partir d’un simple texte. Imaginez le potentiel de cet outil combiné à des robots collecteurs des traces que vous laissez sur les réseaux sociaux.
Quelques “digital warriors” éclairés, comme par exemple Patrick Bérard, évangélisent les entreprises et partagent leur veille.
Des professeurs d’universités, comme Pierre Levy, ont des pratiques très avancées de l’usage des réseaux sociaux dans leur enseignement:
“Quelles que soient les institutions dans lesquelles ils travaillent, j’estime que les enseignants devraient construire avec leurs étudiants des communautés ouvertes de pratique, de dialogue et de réflexion utilisant les plateformes gratuites qui sont déjà utilisées par les élèves et le grand public.” Pierre Lévy
Je conseille vivement cet article (4) de son blog à qui veut explorer l’usage des médias sociaux en éducation.
Mon point de vue est radical et est issue d’une formation sauvage (hors programme) à la pensée de Célestin Freinet, Yvan Illich, John Dewey, … quand j’étais sensé m’occuper de Shakespeare…
Je crois en cette phrase de Dewey, “apprendre ce n’est pas se préparer à la vie, apprendre c’est vivre.”
Au début de sa vie, le bébé est un génie, il apprend à une vitesse phénoménale, puis peu à peu, son désir d’apprendre sera brisé par l’école, le lieu ou se passe théoriquement la transmission.
Deux options, l’école doit-elle se transformer par la pédagogie, ou par la technologie?
Ma vision, confortée par certaines études (mais on ne retient que les résultats qui nous intéressent) est que ce n’est pas, en premier lieu, la technologie qui va résoudre les problèmes de l’école, mais la pédagogie.
S’il n’y avait que moi, l’ordinateur, les téléphones portables seraient interdits aux moins de 15 ans (mais pas l’apprentissage du codage).
Au delà de 15 ans,
Je partage plutôt le point de vue exprimé dans sur un site de forums de discussion mis en place par Orange dans cet extrait d’un texte introductif du sociologue d’Orange Labs, Dominique Cardon, :
“Les nouvelles formes d’apprentissage ne sont donc pas à chercher dans les technologies, mais dans les transformations du système pédagogique qu’elles rendent possibles. (3)
Les technologies numériques radicalisent un mouvement historique, dont l’écriture a été le premier moment, d’externalisation de la connaissance vers l’environnement. “
On se souviendra que Socrate se méfiait fortement de l’écriture.
Peut-on se passer d’enseignants?
Une expérience célèbre, en Inde, dans un bidonville de New Delhi, aurait démontré que des enfants indiens, simplement mus par leur curiosité, auraient appris à l’aide d’un ordinateur connecté à l’internet, à parler parfaitement l’anglais, sans l’aide d’un professeur.
Mais qu’auraient-ils appris avec un professeur pratiquant une pédagogie agile, comme celle pratiquée par ce professeur de français, en ZEP, Christian den Hartigh?
Christian den Hartigh partage sur son blog, dans un article daté du 23 mars 2017, ses “premiers pas en eduScrum” (les applications de la méthode SCRUM dans l’éducation) (3)
Il s’agit d’une pédagogie, qui repose sur 4 valeurs fondamentales:
Apprendre au 21e siècle nous confronte à la nécessité d’apprendre de plus en plus vite pour faire face à la “disruption digitale”, à la mondialisation des talents, à l’obsolescence rapide de certaines connaissances et savoir-faire, et, “last but not least”, au risque de se faire éjecter de l’emploi par des robots.
Une des compétences clés mises en évidence par Pierre Lévy est la “curation collaborative des données”(5).
L’apprentissage tout au long de la vie sera une réalité pour ceux qui vivront dans les circuits de l’économie mondialisée.
Si l’on suit les prospectivistes dans ce qu’ils nous annoncent pour l’an 2025 / 2030, nous serons tous assistés dans nos processus d’apprentissage:
(1) Jean-Paul Delahaye : Pour un « PISA CHOC » enfin !
(2) Yuval Noah Harari: Sapiens, A Brief History of Humankind
(3) Eduscrum
(4) éducation et médias sociaux
(5) litéracie en curation de données
Mas
April 04, 2017Quand j’étais petite j’avais soif d’apprendre et avant même d’aller en cp j’avais appris à lire et a ecrite en faisant les devoirs de mon grand frère. J’aurai du sauter le cp mais ma mere n’a pas voulu. Alors j’ai détesté l’école qui est devenue pour moi un enfer de répétitions. Mon fils a sauté 2 classes mais pour lui l’école n’est pas le lieu ou il préfére se trouver. il faudrait à partir de la primaire et au lieu de faire des classes par age, les faire par thèmes, par préférences, par intéressement de l’enfant. Comme une petite université avec des petites salles qui deviennent des amphis. Des ateliers manuels en toutes matières. Des labos de langues. Du dessin du sport du théâtre du chant de la mise en scene de la musique du jardinage les filmer et leur montrer les vidéos … avec un minimum pour les matieres indispensables. l’enseignant deviendrait alors un répéreur de talent un manager un leader et orienterai l’enfant vers ce quil est et ce qu’il aime. Libre a lui alors de s’arrêter au bac pro ou au master…. voilà mon école idéale : ) intéresser motiver adapter.
Christian MARTIN
April 24, 2017Bonjour,
merci pour votre commentaire que je viens de lire à l’instant. Là où vous avez certainement une expérience que je n’ai pas, et un point de vue que je partage, c’est que la répartition par classes d’âge n’est pas nécessairement adaptée. L’intérêt et la maturité seraient de meilleurs critères pour regrouper les enfants (et je ne dis pas le niveau). Le modèle d’école que vous décrivez existe déjà, mais est réservé à une petite élite, je pense par exemple aux Waldorfschule en Allemagne. Rendre le type d’école que vous décrivez accessible à tous serait un choix politique audacieux.