Learning Coach: Le précepteur du 21e siècle? 6/n

Pensée Critique (critical thinking)

Introduction

Dans la suite logique de l’article précédent qui s’intéressait aux référentiels de compétences, et renvoyait à un article de Denis Cristol (1) sur les limites des compétences et abordait plus particulièrement la compétence clé de la collaboration.
Ce nouvel article est centré sur la compétence dite de la pensée critique. L’article s’appuie sur deux définitions de « la pensée critique » et sur le concept de « pratiques critiques » telles que définies par Mathieu GAGNON et esquisse le rôle que pourrait prendre un Learning Coach dans les situations d’apprentissage/enseignement de la pensée critique.

Deux définitions de la pensée critique

Dans leur article « Le développement de la pensée critique :enjeu interdisciplinaire dans le cadre scolaire », Nicole AWAIS & Frédéric DARBELLAY nous donnent la définition suivante de la pensée critique:

« La pensée critique est une forme de pensée, individuelle et/ou collective – propre à celui/ceux
qui l’énonce(-nt) – compréhensible dans le cadre d’un dialogue avec soi ou avec les autres
(…). Le dialogue est ici vu au sens de Lipman (…) comme un déséquilibre qui va amener à une avancée dans la réflexion, un approfondissement des arguments.
La pensée critique a pour but d’évaluer des connaissances ou des actes en se basant sur une démarche réflexive avec des critères raisonnés, sur différentes ressources (cognitives,
personnelles, sociales, matérielles) en tenant compte des critères de choix et des contextes. »

Mathieu Gagnon  (2) nous propose la définition suivante:

« La pensée critique est une pratique évaluative fondée sur une démarche réflexive, autocritique, voire auto correctrice impliquant le recours à différentes ressources (connaissances, habiletés de pensée, attitudes, personnes, informations, matériel) dans le but de déterminer ce qu’il y a raisonnablement lieu de croire(conceptions épistémologiques) ou de faire (interventions d’ordre méthodologique et éthique) en considérant attentivement les critères de choix et les diversités contextuelles. »

Distinction de la pensée critique et de pratiques critiques (selon Mathieu Gagnon)

Dans le même article, Mathieu Gagnon poursuit:
« …nous considérons qu’il n’est pas possible de définir a priori les processus effectifs de mise en œuvre d’une pensée critique (ce que nous appelons les pratiques critiques). Dit autrement, les pratiques critiques consistent en une série d’actions impliquant la mobilisation ainsi que la combinaison efficaces d’une série de ressources en situation, et ce, afin de déterminer plus avant ce qu’il y a raisonnablement lieu de croire ou de faire. Ces actions, situées par nature, comprennent également un rapport à l’autre et concernent tant l’affectivité que la rationalité. Or, face à des problèmes complexes impliquant des croyances, des valeurs et des enjeux, il n’est pas possible de prévoir d’avance quelles seront les ressources mobilisées, ni de quelle manière elles seront combinées.
(…)
Nous considérons que la pensée critique doit être examinée en contexte, ce qui signifie que l’attention portée aux actions ou pratiques en situation est cruciale. Cette action en situation participe d’un processus délibératif situé et toujours particulier, qui demande de prendre en compte différents aspects touchant, notamment, les domaines cognitif, social et affectif.

(…) Quant aux pratiques critiques, elles correspondent à ce que nous pourrions désigner comme étant «l’exercice d’une pensée critique en situation», et ne peuvent, en conséquence, être définies que de manière a posteriori. Ainsi ancrées dans l’action, les pratiques critiques renvoient
à des processus socialement situés et, comparativement à la pensée critique, peu d’éléments nous permettent de déterminer si et comment il est possible, pour une personne, de construire des pratiques critiques à l’intérieur d’une grande variété de domaines. En ce sens, les pratiques critiques constituent, en quelque sorte, une pensée critique située et ne peuvent être définies que dans et par l’action, en fonction de la situation. Partant, ne pouvant être définies que de manière a posteriori, nous considérons que l’examen des pratiques critiques doit nécessairement s’inscrire à l’intérieur d’une approche in situ.

Pratiques Critiques situées et rôle que pourrait prendre un learning coach.

Le concept clé est pour moi « en situation », autrement dit, une pratique située, dont « l’examen doit nécessairement s’inscrire à l’intérieur d’une approche in situ. »
Ceux qui me connaissent et me suivent verront-là le point d’ancrage à mes recherches personnelles sur l’apprentissage situé, et cela me donne l’occasion de donner à voir, telle que l’imagine, l’intervention d’un learning coach dans un tel contexte.

De quelques conditions favorisant la mobilisation de la pensée critique des élèves (selon Mathieu GAGNON)

Au centre des conditions offrant aux élèves la possibilité de s’engager dans des pratiques critiques, se retrouve le processus de résolution de problèmes dits complexes, c’est-à-dire des problèmes impliquant la prise en compte de plusieurs aspects et pour lesquels il ne peut y avoir que des solutions provisoires et contextuelles. (…) Dans la mesure où ils favorisent la rencontre de la diversité, ces problèmes gagnent à être résolus dans un contexte d’interaction, permettant ainsi d’obtenir une fenêtre sur les pratiques auto-correctrices des élèves, sur les croyances ou idéologies en amont des solutions proposées, de même que sur les processus de réflexion manifestés en situation de co-construction.

Par ailleurs, Fourez (3) nous dit que la mise en route d’un îlot de rationalité conduit, presque de manière nécessaire, à la mise en route de pratiques critiques.

Pour Gagnon, «[l’îlot de rationalité] participe à l’idéal scientifique, déjà bien exprimé par Descartes, de garder une distance critique par rapport aux passions et à l’affectivité» (.. .). Cette démarche vise la construction d’une «représentation […] d’une situation précise, représentation qui implique toujours un contexte et un projet qui lui donnent son sens. Elle a pour objectif de permettre une communication et des débats rationnels (notamment à propos des prises de décisions)» (..). De plus, l’îlot interdisciplinaire de rationalité s’articule autour d’une prise en compte de divers savoirs standardisés, lesquels contribuent à articuler et orienter les prises de décision : «le travail interdisciplinaire se caractérise ainsi par son appel aux disciplines pour éclairer des situations» (…).

En ce sens,
l’activité menée en éthique s’inspirait de l’approche par «îlot interdisciplinaire de rationalité» proposée par Fourez (…). Ce choix s’explique notamment par le fait que cette stratégie représente un type particulier d’approches par problèmes (APP), et que les relations entre les APP et le développement de la pensée critique ont été maintes fois posées (voir Bechtel et al., 1999; Collier, Guenther, & Veerman, 2002; Cooke et Moyle, 2002; Embry, 2001; Dam et Volman, 2004; Guilbert et Ouellet, 1997; Halpern, 1989; Halvorson et Wescoat, 2002; Majumdar, 2003; Ngeow et Kong, 2001; Pithers et Soden, 2000; Sage, 1996; Saye et Brush, 2002; Senocak, Taskesenligil, & Sozbilir, 2007; Sungur et Tekkaya, 2006; Weiss, 2003; Wieseman et Cadwell, 2005).

Mon point de vue sur la place d’un Learning Coach dans un dispositif d’apprentissage de l’esprit critique

La condition préalable, serait sa présence dans les situations d’apprentissage, autrement dit, le learning coach serait dans la classe au moment ou élèves et enseignant(s) sont engagés dans une situation (quelle qu’elle soit) dont la finalité est de développer la pensée critique.
Il est évident que la présence du coach va aussi modifier la situation et pourrait poser un problème de financement. Néanmoins, je maintiens qu’il doit pouvoir être présent à certains moments du processus pour observer et faire des retours à l’ensemble des acteurs.

Dans une approche transdisciplinaire, dans la mise en place d’îlots interdisciplinaires de rationalité, tels que définis par Gérard Fourez, il pourrait être la mémoire (adulte) des échanges, événements, incidents, révélations observés en situation.
L’APP ou Approche Par Problème qui a démontré son efficacité est aussi forte consommatrice de temps pour tous les acteurs. La présence d’un Learning Coach, selon moi, permettrait d’assurer un meilleur retour sur investissement du temps global aussi bien au niveau de chaque équipe d’élèves que du côté de l’équipe pédagogique interdisciplinaire.

Pas réaliste?

Avez-vous essayé?

Références

1. Article de Denis Cristol sur THOT

2. Mathieu Gagnon 474 REVUE DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION DE MCGILL • VOL. 45 NO 3 AUTOMNE 2010

3. QU’ENTENDRE PAR « ILOT DE RATIONALITE » ? ET PAR « ÎLOT INTERDISCIPLINAIRE DE RATIONALITÉ » ?

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