Cet article est le quatrième consacré à une analyse commentée de l’ouvrage Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM [1]
Dans les articles précédents nous avons présenté :
Le contenu des préfaces, l’introduction de l’ouvrage par les co-auteurs
L’article d’Amaury Daele : « Vers un modèle de compréhension des processus et de l’expérience d’apprentissage au sein des communautés en réseau »
L’article D’Eddie Soulier : « La pratique: un phénomène, une perspective ou une ontologie? Quelques clés de lecture pour identifier, délimiter et caractériser une pratique »
Dans cette article, nous allons présenter et commenter l’article de Louis-Pierre Guillaume : « Communities@Work: des communautés en réseau chez Schneider Electric, en respectant la structure de l’article (en ajoutant une numérotation pour faciliter la lecture). Notre commentaire final visera à mettre en évidence ce qui constitue les conditions clés de réussite d’une stratégie de développement des communautés de pratique dans une grande organisation
Dans son introduction, l’auteur de l’article nous indique que 70% des entreprises du classement américain de Fortune 100 déclarent lancer des réseaux sociaux.
Il recense ensuite ce qui caractérise les processus d’échanges d’information : des collaborateurs mobiles bombardés d’informations ; des entreprises aux ressources dispersées qui peine à gérer une communication en temps réel efficace ;l’émergence de solutions de communication dans le « cloud » ; l’inefficacité des systèmes traditionnels de partage d’informations ; l’augmentation du volume des e-mails, du nombre des réunions et la baisse concomitante de la productivité ; … et la prise en compte par Schneider Electric de ces changements pour « mettre en œuvre des communautés de pratique en tirant parti de son réseau social interne ».
Le cas présenté est celui d’un chef de projet dans un pays du Golfe qui voulait « répondre au cahier des charges d’une société publique d’électricité pour la création d’une sous-station mobile ».
Ce cas illustre le potentiel d’un simple message déposé sur une communauté puis partagé avec d’autres communautés sur la capacité de l’organisation à mobiliser rapidement sa connaissance collective. Quant au chef de projet, on nous dit qu’il a :
Après avoir redéfini le sens du concept de communauté de pratique et ce qui caractérise ses activités, l’auteur s’emploie à définir tour à tour les bénéfices pour ses membres, pour l’entreprise, et pour les clients
Pour les membres, le premier bénéfice est une augmentation de la satisfaction au travail
Pour l’entreprise, trois plans sont envisagés s’agissant des bénéfices :
Pour les clients : un soutien amélioré, des temps de réponse plus rapide, une plus grande satisfaction (et une augmentation du niveau de l’innovation perçue par le client* ).
* Commentaire :
Ce dernier point est un bénéfice à la fois pour l’entreprise et pour le client qui peut penser / argumenter dans sa propre organisation, par exemple : « mon fournisseur est à la pointe de l’état de l’art, il sait mobiliser son intelligence collective pour mieux nous servir, plus vite »
Cette partie de l’article vise à différencier les différents types de communauté. Les critères distinctifs sont la finalité (ou les objectifs) de la communauté et sa durée dans le temps. Le tableau permet d’identifier les caractéristiques distinctives de chaque type de communauté. On distingue par exemple le caractère pérenne et volontaire d’une CoP, par opposition avec le caractère non pérenne (et pas toujours volontaire) d’une équipe projet.
Le programme d’entreprise Connect, en 2012 qui répondait à la volonté/nécessité :
L’objectif interne affiché pour 2014 : créer trente nouvelles communautés actives pour aider à construire la collaboration dans les domaines de business de Schneider Electric.
Les quatre principes d’action :
Positionner les communautés de pratique comme « le meilleur endroit pour apprendre »**
* Commentaire 1 : on pourrait dire, « perdue, mais pas pour tout le monde ». On a reproché à la théorie des communautés de pratique selon Wenger de sous-estimer les jeux d’acteurs et enjeux de pouvoir dans le partage de l’information et de la connaissance. Voir à ce propos l’article de D’Amaury Daele qui évoque cette critique faite à la théorie.
** Commentaire 2: un positionnement que j’ai fait mien. J’en ai fait le titre d’un article du Blog d’Eumathos, article qui lance la réflexion sur les communautés de pratique
Cette partie de l’article donne une vision globale, statistique, des communautés chez Schneider Electric (nombre de communautés, nombre de pays, nombre de membres) des rôles (Animateur, Noyau de l’équipe, les membres, le sponsor métier) et, pour chaque rôle qui le tient et combien de temps il doit/devrait y consacrer en pourcentage du temps de travail.
Chez Schneider Electric, ce sont : 160 communautés, plus de 220 « Community leaders », plus de 24 000 employés dans plus de 100 pays.
Les rôles :
L’animateur * : il fait vivre la communauté en créant des événements. Il stimule et entretiens la dynamique communautaire … il doit être prêt à consacrer 10 à 20% de son temps de travail à l’animation de la communauté.
Les membres du noyau de la communauté : (chez Schneider Electric) ce sont les relais locaux basés dans des zones géographiques différentes qui maintiennent des contacts réguliers avec l’animateur et aident à l’animation de la communauté. Ils consacrent entre 2 et 5% de leur temps de travail …
Les membres : participent et contribuent à la vie de la communauté selon diverses façons. Ils devraient participer au moins 15 minutes par jour…
Le sponsor métier : il soutient et encourage la communauté auprès des entités en dehors de la communauté. C’est un directeur ou un vice-président. … il rencontre l’animateur une fois par mois. Il veille aussi à ce que des ressources soient attribuées à la communauté en fonction de ses besoins et s’assure que les objectifs de la communauté sont alignés avec la stratégie de l’entreprise et avec celle de son entité.
Le programme Communities@Work est sponsorisé au niveau du Comité Exécutif de l’entreprise (directeur des systèmes d’information et de l’organisation) et au niveau des RH (vice-président de l’apprentissage)
L’équipe en charge du programme au niveau central représente 1,1 équivalent temps plein
Des métriques formelles visent à démontrer la valeur et à quantifier l’impact de la communauté sur le travail
Les métriques d’adoption et de participation : ce sont des données quantitatives générées par la plate-forme, les plus faciles à obtenir (nombre de membres, pourcentage de membres actifs, taux de participation à un événement, nombre de messages générés,…).
Les métriques d’engagement et de satisfaction : généralement recueillies par sondage, pour mesurer l’implication et la satisfaction des membres. Des questions ouvertes permettent de recueillir des suggestions (données qualitatives) pour améliorer le fonctionnement.
La publication d’exemples de réussites par les membres : Plus difficiles à collecter, les anecdotes et exemples de réussite permettent de démontrer la valeur de la communauté. De même un témoignage du sponsor aide à fournir les preuves de cette valeur. Les résultats obtenus par les différentes communautés dans les sondages incitent les animateurs à améliorer les activités de la communauté dont ils ont la charge. Enfin, les valeurs agrégées de l’ensemble des communautés permettent de démontrer la valeur du programme d’entreprise.
La campagne existe depuis 2013. La compagne vise à donner un prix aux communautés les plus actives, celles qui offrent le plus de valeur à l’entreprise
Le label Active Community
Lors de la dernière campagne, en 2015 (au moment de l’écriture de l’article) 3000 électeurs, échantillon représentatif de l’ensemble des membres, ont désigné trente communautés de pratique comme étant actives, sur la base de la réponse à l’affirmation question suivante : « Je considère que ma communauté est active, car elle fournit de la valeur tangible pour moi, mon entreprise ou mes clients »
Les animateurs des 30 communautés ont reçu le label des mains des deux sponsors du programme lors d’une cérémonie retransmise en direct dans l’entreprise.
Les sponsors des communautés gagnantes ont été interrogés.
L’article, en fin de section, reprend 6 citations des sponsor classées selon les 3 catégories de bénéfices : pour le membre, pour la société et pour les clients.
Je résume de ces 8 facteurs clés en quelques mots
Pour l’auteur, « Les communautés permettent aux collaborateurs de participer à la résolution de problème et d’influencer positivement les clients »
Il esquisse un plan d’action sur les premières semaines et à l’horizon de 2 ans :
Dans les premières semaines commencez à planifier une feuille de route … (identifiez les bénéfices potentiels)
…
Dans les deux ans : créez un plan d’action à long terme pour le programme et lancez d’autres communautés, créez des plans de succession pour les sponsors et animateurs, déployez un programme de mesure à long term
L’article est construit sur une alternance d’illustrations très concrètes et d’apports « théoriques » sur la mise en œuvre des communautés de pratique.
Le lien entre les problèmes rencontrés au sein d’un Groupe industriel, présent sur la planète entière, et les bénéfices que peuvent tirer les différentes parties prenantes à la mise en place d’un programme de communautés de pratique, fait l’objet d’illustrations précises. A ce titre, cet article est un excellent reflet de ce qu’une entreprise attend de ses communautés de pratique « pilotées ».
Enfin, les principaux facteurs clés de succès d’un programme de communautés de pratique sont listés dans le chapitre « recommandations », à commencer par « Convaincre un membre du Comité exécutif de l’entreprise de sponsoriser le programme pour lui apporter de la légitimité ».
Si je devais ajouter une petite touche personnelle sur ce dernier point, je dirais « mettre en mouvement le Comité Exécutif de l’entreprise, pour le faire fonctionner comme une communauté de pratique » – COMEX_CoP_1.
Qui sponsorise l’initiative ?
[1] Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM
Commentaires récents