Source: Communautés de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM [1]
Cet article est le troisième consacré à une analyse et un commentaire de l’ouvrage Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM [1]
Dans un article précédent, nous avons présenté « Vers un modèle de compréhension des processus et de l’expérience d’apprentissage au sein des communautés en réseau »
Dans cet article nous allons présenter et commenter l’article de D’Eddie Soulier, article qui vient combler un vide de réflexion sur la notion de pratique.
Cet article est très long et dense, et mériterait certainement une thèse de doctorat pour en explorer toutes les pistes. Par ailleurs je ne suis ni chercheur ni doctorant et le temps que je me suis accordé pour le rédiger est déjà épuisé après 4 relectures, qui, elles, n’épuisent toujours pas l’article.
Je me propose seulement de donner la chair de l’introduction et de la conclusion et l’os du reste, c’est-à-dire principalement l’organisation des thèmes traités.
La théorie sociale de l’apprentissage, conçue comme participation à des pratiques, est un ensemble non unifié de principes, de notions et de méthodes d’observation dont une part s’inscrit dans la perspective de la cognition située. Un nombre limité de cadres partagent pour une autre part une même référence au concept de pratique (Soulier, 2004). C’est notablement le cas des travaux de Jean Lave à qui l’on doit la notion de communauté de pratique (Lave, 1991 ; Lave et Wenger, 1991). Le concept de pratique a toujours été au centre des travaux de Jean Lave, jusque aux plus récents (Lave, 2011).
Nous partageons les constats de Vann et Bowker (2001), Osterlund et Carlile (2005) ou Talja (2010) pour qui la popularité du concept de communauté de pratique a éclipsé le projet original d’une théorie des pratiques situées, élaborée par Jean Lave. Cette éclipse fait qu’aujourd’hui de nombreuses études sur l’apprentissage social se centrent sur les communautés et ignorent le concept de pratique
Notre proposition suggère que la notion de pratique devrait être (re) mise au centre de l’étude de la connaissance en acte et en contexte 9.
[…]
Cet article s’inscrit dans cette double perspective : réaffirmer l’importance du concept de pratique au regard de celui de communauté, et apporter quelques critères pour mieux identifier, délimiter et caractériser une pratique.
L’essentiel de l’article est articulée autour de 6 clés de lecture de la pratique :
Chaque clé est déclinée…
La clé généalogique est une leçon de philosophie, d’anthropologie, de sociologie en soi, et je vous laisse méditer le schéma ci-dessous:
La clé des vagues :
La clé des vagues nous présente 4 vagues
La vague structurelle (Bourdieu, Giddens, Foucault)
La vague situationniste (Wittgenstein, Lave, Suchman)
La vague relationniste (Whitehead, Deleuz, Latour-Callon)
La vague herméneutico-pragmatique (Wittgenstein, Heidegger, Schatzki)
La clé des localisations
En introduction de cette clé, l’auteur nous dit : « Reckwitz (2002) répertorie les théories culturelles qui expliquent l’action humaine par les structures symboliques qui la médiatisent. »
Où est localisé le social selon ces différentes théories ?
Mentalisme – > esprit
Textualisme -> discours
Intersubjectivisme – > interaction
Théorie de la pratique -> pratique
La clé de l’approche
Cette clé identifie 3 usages de la notion de pratique :
La pratique comme phénomène,
La pratique comme perspective
La pratique comme philosophie
La clé du mode d’entrée
4 principaux modes d’entrée, permettant de délimiter et de caractériser une pratique :
Par la structure
Par le domaine
Par le contexte
Par l’émergence
Certains modes d’entrée sont incompatibles sur le plan théorique (par exemple l’entrée par l’émergence nie l’idée même d’une entrée par le contexte, qui n’existe pas ou n’est pas pris en compte).
La clé des caractéristiques
Dans l’introduction de cette clé, l’auteur nous dit […] une des pistes consiste justement à utiliser les caractéristiques d’une pratique pour l’identifier. Il y a un certain accord aujourd’hui concernant les caractéristiques d’une pratique. L’article de référence de Reckwitz (2002) établit sept critères. […] :
Une partie qui fait synthèse et conclusion – Extraits (morceaux choisis):
Notre enquête ontologique nous a fourni de nombreuses pistes pour alimenter une réflexion sur la conceptualisation de la pratique. Pour autant, il faut distinguer la question de l’identification d’une pratique de celle de sa délimitation, et enfin la caractérisation d’une pratique.
[…]
Il est possible d’envisager quatre niveaux de segmentation.
Le premier niveau admettrait le concept de société comme un tout, […] Cette position, admettant l’idée de totalité, est aujourd’hui pratiquement abandonnée, au profit de l’hypothèse d’un univers pluraliste.
Un second niveau, tout en conservant une notion très forte de structure sociale, d’institution et d’ordre social, produirait une analyse désagrégée de la société, mais doit en contrepartie offrir une notion consistante de regroupement. C’est là qu’on peut positionner les théoriciens des pratiques de la première vague. Bourdieu élabore bien une théorie de la société, mais sur un mode désagrégé, autour d’une unité d’analyse formée par les « champs sociaux » conçus comme des microcosmes.
Un niveau « deux bis » serait alors envisageable, celui auquel se situe typiquement Lave, qui rejette clairement le mécanisme de l’habitus, c’est-àd ire l’hypothèse d’une socialisation incorporée. Lave conserve une théorie consistante de la structure sociale, mais l’aborde sous l’angle d’une théorie de l’activité située dans un contexte social, ce qui lui permet d’accorder une place, et donc une certaine autonomie à l’action et à l’expérience des personnes engagées dans ces activités, contrairement à Bourdieu.
[…]
Un troisième niveau s’ancre dans la tradition interactionniste et se réfère au concept de « monde social », on l’a vu. Strauss (1978) engage à adopter « une perspective en termes de monde social » qui évite d’accorder trop de poids aux contraintes sociales, pour se centrer sur le potentiel créatif des individus et des groupes, bref, sur les processus de changement social. Et là, de constater qu’il existe une infinie variété de mondes. Alors que Lave ferme la voie à une représentation négociée de l’ordre social, telle que le conçoivent les interactionnistes, la position de Wenger s’inscrit plus fortement dans la vision interactionniste de l’ordre social négocié.
[…]
Un quatrième niveau, propre aux théories d’ordre phénoménologique, traite enfin les systèmes sociaux comme des épiphénomènes par rapport à l’expérience constituée dans l’intersubjectivité (Lave, 1988, version française 1999, p. 107). Il faudrait associer à ce niveau, mais selon de tout autres arguments, la sociologie des associations de Latour qui rejette la notion même de contexte, mais sans pour autant adopter un point de vue phénoménologique.
Au total, quel que soit le niveau (et c’est encore plus vrai des conceptions qui ne retiennent aucune théorisation de la structure sociale), il y a donc aujourd’hui très peu de travaux pour aider à l’identification de pratiques dans un espace d’observation donné
[…]
En guise de fil rouge, Dubuisson-Quellier et Plessz (2013) nous suggèrent opportunément que « le pilier commun consiste à saisir les pratiques, considérées comme des blocs d’activités, d’objets, de compétences et de sens liés par des routines ». Pour autant, l’accent est mis selon les auteurs tantôt sur tel aspect, tantôt sur tel autre, sans qu’une certaine unité théorique puisse se dégager. Plus largement, « les questions de l’identification d’une pratique, de sa généalogie, de ses contours, de sa dynamique d’évolution restent encore pour le moment suspendues à la construction de méthodologies spécifiques »
Ces trois limites – identification, délimitation, caractérisation – ne doivent pas nous détourner de l’idée de pratiques, dont nous avons anthropologiquement l’intuition sensible (nous les reconnaissons sans avoir à les conceptualiser), dont le « mobilier du monde » qui les constitue (leurs ingrédients) est « sous la main » au sens du Zuhanden d’Heidegger (nous savons en utiliser l’outillage sans le regarder comme des objets indépendants de leurs usages), et qui offre dès lors un réservoir d’activités de référence à des activités scientifiques scolaires, au sens de la transposition didactique des pratiques sociales de référence, mis en avant par Martinand.
En préambule modeste, je ne suis pas qualifié pour commenter d’un point de vue scientifique les thèses d’un chercheur sur l’un de ses objets de recherche.
Mon point de vue est plutôt celui d’un « praticien » de l’animation de communautés de pratique dans des contextes multiculturels. Mes champs d’expérience se situent dans l’accompagnement de communautés d’apprentissage, la formation des acteurs intervenant dans l’animation de telles communautés et la conception de guides méthodologique (de construction et d’animation de CoP) spécifiquement adaptés à la culture de l’organisation qui fait appel à mes services.
L’article ouvre des perspectives par la multiplicité des clés d’entrée qu’il propose. Ce que je retiens de particulièrement percutant, pour moi, ce sont les deux extraits suivants :
[…]
[1] Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM
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