Communautés de pratique et management de la formation – 4/6

Communities@Work: Des communautés en réseau chez Schneider Electric (auteur: Louis-Pierre Guillaume)

Introduction

Cet article est le quatrième consacré à une analyse commentée de l’ouvrage Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM  [1]

Dans les articles précédents nous avons présenté :

  1. Le contenu des préfaces, l’introduction de l’ouvrage par les co-auteurs

  2. L’article d’Amaury Daele : « Vers un modèle de compréhension des processus et de l’expérience d’apprentissage au sein des communautés en réseau » 

  3. L’article D’Eddie Soulier : « La pratique: un phénomène, une perspective ou une ontologie? Quelques clés de lecture pour identifier, délimiter et caractériser une pratique »

Dans cette article, nous allons présenter et commenter l’article de Louis-Pierre Guillaume : « Communities@Work: des communautés en réseau chez Schneider Electric, en respectant la structure de l’article (en ajoutant une numérotation pour faciliter la lecture). Notre commentaire final visera à mettre en évidence ce qui constitue les conditions clés de réussite d’une stratégie de développement des communautés de pratique dans une grande organisation

L’article de Louis-Pierre Guillaume

  1. Introduction, qui resitue la place prise par les réseaux sociaux internes

Dans son introduction, l’auteur de l’article nous indique que 70% des entreprises du classement américain de Fortune 100 déclarent lancer des réseaux sociaux.

Il recense ensuite ce qui caractérise les processus d’échanges d’information : des collaborateurs mobiles bombardés d’informations ; des entreprises aux ressources dispersées qui peine à gérer une communication en temps réel efficace ;l’émergence de solutions de communication dans le « cloud » ; l’inefficacité des systèmes traditionnels de partage d’informations ; l’augmentation du volume des e-mails, du nombre des réunions et la baisse concomitante de la productivité ; … et la prise en compte par Schneider Electric de ces changements pour « mettre en œuvre des communautés de pratique en tirant parti de son réseau social interne ».

  1. Un exemple de collaboration : un micro cas illustrant les bénéfices immédiats des communautés de pratique

Le cas présenté est celui d’un chef de projet dans un pays du Golfe qui voulait « répondre au cahier des charges d’une société publique d’électricité pour la création d’une sous-station mobile ».

Ce cas illustre le potentiel d’un simple message déposé sur une communauté puis partagé avec d’autres communautés sur la capacité de l’organisation à mobiliser rapidement sa connaissance collective. Quant au chef de projet, on nous dit qu’il a :

  • Elargi sa base de connaissance sur les solutions techniques (des sous-stations mobiles);
  • Appris sur les approches de conception internes et sur celles de ces partenaires fournisseurs;
  • Développé rapidement une base de données des fournisseurs des matériaux nécessaires;
  • Etabli une liste des meilleures pratiques de conception de conteneurs mobiles.
  1. La communauté de pratique et ses bénéfices, qui liste les bénéfices pour toutes les parties prenantes (les membres de la communauté, l’entreprise, les clients de l’entreprise)

Après avoir redéfini le sens du concept de communauté de pratique et ce qui caractérise ses activités, l’auteur s’emploie à définir tour à tour les bénéfices pour ses membres, pour l’entreprise, et pour les clients

Pour les membres, le premier bénéfice est une augmentation de la satisfaction au travail

Pour l’entreprise, trois plans sont envisagés s’agissant des bénéfices :

  • Le plan stratégique (promotion de l’innovation, de la collaboration, partage de la veille économique et informations client)
  • Le plan organisationnel (le transfert de connaissances, la construction de l’expertise, l’amélioration des processus et systèmes)
  • Le plan opérationnel (temps de réaction, vitesse dans la résolution de problèmes, partage des idées et bonnes pratiques)

Pour les clients : un soutien amélioré, des temps de réponse plus rapide, une plus grande satisfaction (et une augmentation du niveau de l’innovation perçue par le client* ).

* Commentaire :

Ce dernier point est un bénéfice à la fois pour l’entreprise et pour le client qui peut penser / argumenter dans sa propre organisation, par exemple : « mon fournisseur est à la pointe de l’état de l’art, il sait mobiliser son intelligence collective pour mieux nous servir, plus vite »

  1. Communautés ou réseaux ? Qui définit 4 types de communautés : communauté de Pratique (CoP) ; communauté d’intérêt, équipe projet, équipe organisationnelle

Cette partie de l’article vise à différencier les différents types de communauté. Les critères distinctifs sont la finalité (ou les objectifs) de la communauté et sa durée dans le temps. Le tableau permet d’identifier les caractéristiques distinctives de chaque type de communauté. On distingue par exemple le caractère pérenne et volontaire d’une CoP, par opposition avec le caractère non pérenne (et pas toujours volontaire) d’une équipe projet.

  1. Les CoP de Schneider Electric, retrace l’histoire récente des communautés de pratique chez Schneider, les objectifs et les principes d’action

Le programme d’entreprise Connect, en 2012 qui répondait à la volonté/nécessité :

  • D’accroître le partage et la collaboration interne;
  • De briser les silos organisationnels;
  • D’accroître l’utilisation des nouvelles technologies.

L’objectif interne affiché pour 2014 : créer trente nouvelles communautés actives pour aider à construire la collaboration dans les domaines de business de Schneider Electric.

Les quatre principes d’action :

  • La collaboration commence par le partage ;
  • Le partage commence par donner de son temps, des connaissances, de l’expertise à d’autres au sein de la société;
  • L’information qui n’est pas partagée est perdue*;
  • Ne réinventez pas la roue.

Positionner les communautés de pratique comme « le meilleur endroit pour apprendre »**

* Commentaire 1 : on pourrait dire, « perdue, mais pas pour tout le monde ». On a reproché à la théorie des communautés de pratique selon Wenger de sous-estimer les jeux d’acteurs et enjeux de pouvoir dans le partage de l’information et de la connaissance. Voir à ce propos l’article de D’Amaury Daele qui évoque cette critique faite à la théorie.

** Commentaire 2: un positionnement que j’ai fait mien. J’en ai fait le titre d’un article du Blog d’Eumathos, article qui lance la réflexion sur les communautés de pratique

  1. Fonctionnement des COP de Schneider Electric

Cette partie de l’article donne une vision globale, statistique, des communautés chez Schneider Electric (nombre de communautés, nombre de pays, nombre de membres) des rôles (Animateur, Noyau de l’équipe, les membres, le sponsor métier) et, pour chaque rôle qui le tient et combien de temps il doit/devrait y consacrer en pourcentage du temps de travail.

Chez Schneider Electric, ce sont : 160 communautés, plus de 220 « Community leaders », plus de 24 000 employés dans plus de 100 pays.

Les rôles :

L’animateur * : il fait vivre la communauté en créant des événements. Il stimule et entretiens la dynamique communautaire … il doit être prêt à consacrer 10 à 20% de son temps de travail à l’animation de la communauté.

Les membres du noyau de la communauté : (chez Schneider Electric) ce sont les relais locaux basés dans des zones géographiques différentes qui maintiennent des contacts réguliers avec l’animateur et aident à l’animation de la communauté. Ils consacrent entre 2 et 5% de leur temps de travail …

Les membres : participent et contribuent à la vie de la communauté selon diverses façons. Ils devraient participer au moins 15 minutes par jour…

Le sponsor métier : il soutient et encourage la communauté auprès des entités en dehors de la communauté. C’est un directeur ou un vice-président. … il rencontre l’animateur une fois par mois. Il veille aussi à ce que des ressources soient attribuées à la communauté en fonction de ses besoins et s’assure que les objectifs de la communauté sont alignés avec la stratégie de l’entreprise et avec celle de son entité.

  • Commentaires: On voit ici apparaître le rôle critique de l’animateur et du sponsor dans la mise en œuvre d’une communauté de pratique. Le rôle défini pour les membres du noyau dur, me semble ici très caractéristique d’une communauté de pratique « pilotée ». La terminologie même (relais locaux), indique les visées de l’organisation. De manière plus générale, on dira que les membres du noyau sont les membres les plus actifs qui assument une coresponsabilité dans l’animation de la vie de la communauté, et que le sponsor est à l’interface entre la communauté et l’entreprise. Son haut niveau dans la structure confère à la communauté une légitimité, un accès aux ressources dont elle peut avoir besoin, et, en contrepartie, l’obligation d’aligner ses objectifs avec la stratégie de l’entreprise.
  1. Programme d’entreprise d’animation des communautés: présente la genèse du nouveau programme Communities@Work

Le programme Communities@Work est sponsorisé au niveau du Comité Exécutif de l’entreprise (directeur des systèmes d’information et de l’organisation) et au niveau des RH (vice-président de l’apprentissage)

L’équipe en charge du programme au niveau central représente 1,1 équivalent temps plein

  1. Mesurer la valeur apportée par les CoP: présente les différentes métriques de mesure de la valeur (adoption et participation ; engagement et satisfaction ; publications d’exemples de réussites par les membres).

Des métriques formelles visent à démontrer la valeur et à quantifier l’impact de la communauté sur le travail

Les métriques d’adoption et de participation : ce sont des données quantitatives générées par la plate-forme, les plus faciles à obtenir (nombre de membres, pourcentage de membres actifs, taux de participation à un événement, nombre de messages générés,…).

Les métriques d’engagement et de satisfaction : généralement recueillies par sondage, pour mesurer l’implication et la satisfaction des membres. Des questions ouvertes permettent de recueillir des suggestions (données qualitatives) pour améliorer le fonctionnement.

La publication d’exemples de réussites par les membres : Plus difficiles à collecter, les anecdotes et exemples de réussite permettent de démontrer la valeur de la communauté. De même un témoignage du sponsor aide à fournir les preuves de cette valeur. Les résultats obtenus par les différentes communautés dans les sondages incitent les animateurs à améliorer les activités de la communauté dont ils ont la charge. Enfin, les valeurs agrégées de l’ensemble des communautés permettent de démontrer la valeur du programme d’entreprise.

  1. La mesure de la valeur des CoP chez Schneider Electric : présente la campagne mondiale « Active Community Label » et l’avantage que ce label confère aux communautés qui l’obtiennent

La campagne existe depuis 2013. La compagne vise à donner un prix aux communautés les plus actives, celles qui offrent le plus de valeur à l’entreprise

Le label Active Community

Lors de la dernière campagne, en 2015 (au moment de l’écriture de l’article) 3000 électeurs, échantillon représentatif de l’ensemble des membres, ont désigné trente communautés de pratique comme étant actives, sur la base de la réponse à l’affirmation question suivante : « Je considère que ma communauté est active, car elle fournit de la valeur tangible pour moi, mon entreprise ou mes clients »

Les animateurs des 30 communautés ont reçu le label des mains des deux sponsors du programme lors d’une cérémonie retransmise en direct dans l’entreprise.

Les sponsors des communautés gagnantes ont été interrogés.

L’article, en fin de section, reprend 6 citations des sponsor classées selon les 3 catégories de bénéfices : pour le membre, pour la société et pour les clients.

  1. Recommandations: présente 8 facteurs-clés de succès d’un programme de communauté de pratique :

Je résume de ces 8 facteurs clés en quelques mots

  1. Un sponsor du comité exécutif
  2. Un programme d’entreprise global
  3. Un modèle de communauté de pratique
  4. L’usage du réseau social d’entreprise (RSE)
  5. Réserver du temps aux animateurs
  6. Convaincre les managers de donner du temps
  7. Mesurer la valeur
  8. Analyser les facteurs influant sur la création de valeur
  1. Conclusion: rappelle les bénéfices que l’on peut attendre des communautés de pratique et propose les grandes lignes d’un plan d’action

Pour l’auteur, « Les communautés permettent aux collaborateurs de participer à la résolution de problème et d’influencer positivement les clients »

Il esquisse un plan d’action sur les premières semaines et à l’horizon de 2 ans :

Dans les premières semaines commencez à planifier une feuille de route … (identifiez les bénéfices potentiels)

Dans les deux ans : créez un plan d’action à long terme pour le programme et lancez d’autres communautés, créez des plans de succession pour les sponsors et animateurs, déployez un programme de mesure à long term

Notre commentaire sur l’article

L’article est construit sur une alternance d’illustrations très concrètes et d’apports « théoriques » sur la mise en œuvre des communautés de pratique.

Le lien entre les problèmes rencontrés au sein d’un Groupe industriel, présent sur la planète entière, et les bénéfices que peuvent tirer les différentes parties prenantes à la mise en place d’un programme de communautés de pratique, fait l’objet d’illustrations précises. A ce titre, cet article est un excellent reflet de ce qu’une entreprise attend de ses communautés de pratique « pilotées ».

Enfin, les principaux facteurs clés de succès d’un programme de communautés de pratique sont listés dans le chapitre « recommandations », à commencer par « Convaincre un membre du Comité exécutif de l’entreprise de sponsoriser le programme pour lui apporter de la légitimité ».

Si je devais ajouter une petite touche personnelle sur ce dernier point, je dirais « mettre en mouvement le Comité Exécutif de l’entreprise, pour le faire fonctionner comme une communauté de pratique » – COMEX_CoP_1.

Qui sponsorise l’initiative ?

Références et Notes

[1] Communauté de pratique et management de la formation » ouvrage collectif, sous la direction d’Eddie Soulier et Jacques Audran, paru aux Presses de l’UTBM

 

 

 

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