Théories et pratiques de l’apprentissage situé 8/101

L’apprentissage situé mis en pratique, cela ferait quoi?

Introduction

Dans mon précédent billet, je disais en quelques mots ce que je préconiserais en matière d’éducation. Ce qui n’aura parlé qu’aux spécialistes de l’éducation, et peut-être sans nécessairement les convaincre. Dans ce article,  après des rappels théoriques, mon intention est tirer les conséquences de ce que serait la mise en oeuvre pratique de la théorie de l’apprentissage situé.

Ce billet tire sa substance théorique d’un article [1] de Josianne Basque déjà mentionné dans les billets précédents.

Rappels théoriques (extraits de l’article)

Dans son article  Josiane Basque définit ainsi le terme de contexte:
« Le terme contexte renvoie non pas tant à la situation immédiate dans laquelle l’activité cognitive se déploie (caractéristiques spécifiques de la tâches, contextes formels ou informels, avec ou sans la présence d’autres personnes, avec ou sans outils, etc.) qu’à la culture globale dans laquelle elle prend place (avec ses valeurs, ses pratiques sociales, ses règles, etc.). Selon cette approche (celle de la théorie de l’apprentissage situé), la cognition ne réside pas dans la tête d’un individu, sous la forme de connaissances abstraites qui sont « transportées » d’une situation à une autre. La cognition se plutôt entre une personne et les autres personnes qui l’entourent, les objets et les outils qui se trouvent dans son environnement ainsi que les pratiques sociales développées au sein de sa culture au fil de son histoire. »
Après un long passage sur les le origines de l’apprentissage situé, passage sur lequel nous reviendrons dans notre prochain billet, l’auteure, nous donne le résumé que fait Lauren B Resnick se fondant sur  des résultats de recherches, fait des « différences entre l’activité cognitive vécue en contexte scolaire et celle qui se vit en dehors de l’école »:

  • la cognition à l’école est essentiellement individuelle, alors qu’elle est partagée avec d’autres personnes et avec des outils en dehors de l’école.
    (image)
  • La cognition valorisée à l’école est celle qui ne s’appuie sur aucune ressource externe (livres, notes, instruments, etc. ). Bien que de telles ressources soient permises pendant l’activité d’apprentissage, elles sont souvent interdites au cours des examens. L’école valorise ainsi implicitement une pensée qui fonctionne sans l’aide d’outils physiques et cognitifs. Au contraire, la plupart des activités mentales exécutées en dehors de l’école se font avec des outils.
  • En dehors de l’école, les gens raisonnent en utilisant directement des objets et des événements et non pas des symboles. Au contraire, à l’école, la plupart des activités reposent sur la manipulation de symboles et sont détachées de tout contexte significatif, de sorte que cela développe chez les enfants l’idée que l’école sert à apprendre dès règles abstraites qui peu liée à ce qui se passe hors de l’école.
  • L’école vise l’acquisition de principes théoriques généraux et le développement d’habilités générales. En dehors de l’école, les gens doivent cependant développer des habilités spécifiques à chaque situation. Il y a rarement utilisation du savoir général acquis à l’école; plutôt les gens invente de nouvelles méthodes spécifiques à chaque situation. »

Commentaires:
De ce qui précède, on pourrait conclure que l’école prépare mal à la vie future car ses activités semble bien artificielle et repose sur une conception erronée de l’apprentissage. Que de temps perdu, et peut-être pire encore, quelles mauvaises habitudes acquises sur les bancs de l’école.

Auriez-vous appris à marcher si vous aviez attendu d’être à l’école pour le faire? Auriez-vous appris à parler, si vous aviez dû attendre d’aller à l’école pour le faire?

Pour revenir à l’article de Josiane Basque, elle tire du « postulat » selon lequel « la pensée est indissociable du contexte dans lequel elle se déploie; … » – Pour les tenants de l’approche contextuelle, la cognition est « située« , c’est à dire inextricablement liée à son environnement physique et social.
Enfin, et ce sera notre dernière citation de Josiane Basque pour aujourd’hui, l’auteure nous dit:
« De ce postulat, nous pouvons tirer trois proposition fondamentales défendues par les tenants de l’approche contextuelle de la cognition:
– la cognition est fondamentalement sociale;
– la cognition est répartie;
– le savoir est dynamiquement construit en fil d’ajustement continus du sujet en activité.

Mise en oeuvre pratique de la théorie

Pour l’éducation, cela serait quoi?

Pour faire vite et radical, ces réflexions n’engagent que moi, et en aucun cas l’auteure préalablement citée:

Huck and Jim on a raft

Huck and Jim on a raft (c) Source Wikipedia

  • L’évaluation individuelle, les classements,  disparaîtraient au profit d’un apprentissage en équipe et au développement de qualités humaines (l’écoute, empathie, le respect …) des capacités à collaborer efficacement.
  • L’école serait une école sans murs.
  • L’ensemble de la collectivité serait sollicitée pour participer à l’éducation des enfants, des adolescents, et des jeunes
  • Des  grands voyages seraient au programme.
  • La planète entière serait le centre de ressources.
  • Les activités éducatives seraient des activités authentiques, utiles à la société, réalisées dans le cadre de projets soutenus par la collectivité, des fondations, et tout simplement par chaque personne qui le souhaiterait (crowdsourcing des projets individuels et collectifs) ;

Et pour la formation professionnelle continue, cela pourrait vouloir dire quoi?

L’apprentissage tout au long de la vie deviendrait une réalité :

  • au sein de communautés apprenantes ou de pratique;
  • en travaillant selon des méthodes pédagogiques d’apprentissage par problème et/ou par projet;
  • dans des environnements et dispositifs flexibles;
  • et/ou en situation de travail;
We Can Do It

Affiche de promotion du TWI – (c) Source Wikipedia

  • en utilisant le potentiel des réseaux sociaux (internes et externes);
  • en exploitant de manière collaborative (et pas strictement individuelle) le potentiel du digital et de l’intelligence artificielle;
  • les projets seraient évalués et ajustés en continu en fonction de l’atteinte des buts et objectifs préalablement définis sur le plan collectif, principalement, prioritairement, – en mettant en oeuvre des mécanismes d’évaluation par les pairs – ou individuellement, au regard de critères d’évaluation défini par ou avec les intéressés…

Conclusion

Toute les modalités d’éducation et de formation évoquées ci-dessus sont déjà possibles, tout a déjà été expérimenté, tous les modèles sont là, et les outils ne manquent pas…

Alors, qu’est-ce que l’on attend?

Références

[1] Basque Josiane (2004) Le transfert d’apprentissage, qu’en disent les contextualistes. In A. Presseau et M. Frenay, Le transfert d’apprentissage: comprendre pour mieux intervenir. Quebec : Presses de l’université Laval

Billets précédents:

Billet 1Définitions de l’apprentissage situé

Billet 2Pourquoi s’intéresser à la théorie de l’apprentissage situé?

Billet 3:  Démarche et retour aux sources

Billet 4: Mai 1968 et l’apprentissage situé

Billet 5:  Apprentissage situé et conversation

Billet 6: Lucy Suchman, mon téléphone portable et moi

Billet 7: Conversations avec moi-même (n° 1)

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