Tendance Codev – N’oublions pas l’organisateur

Introduction :

Après avoir écrit de manière collaborative un livre (1) sur le codev ou Groupe de codéveloppement professionnel, je me suis interrogé sur le marché spécifique français de la formation des acteurs ou au différents rôles dans un groupe (facilitateur / consultant / client / organisateur /observateur)

Mes premières recherches et mon premier constat : Si le rôle du facilitateur est très très bien couvert, le rôle de l’organisateur est lui tout à fait négligé dans l’offre de formation en France.

Cet article a pour but de partager mon expérience et mes hypothèses sur ce que pourrait être une bonne formation à ce rôle de l’ombre, et les prérequis que je vois à cette formation.

 

Codev ou Groupe de codéveloppement professionnel ?

Linguiste de formation, je m’intéresse toujours au vocabulaire, à la terminologie utilisée dans un domaine particulier. Pour voir quel terme l’emportait en France, j’ai fait une recherche sur Google Trends( n) et obtenu le résultat suivant. En France, C’est Codev qui l’emporte. Cependant, au Canada, le Groupe de codéveloppement professionnel présente un plus grand nombre d’occurrences.

L’organisation du codéveloppement dans une (grande) organisation

Dans un article sur le site de l’association AQCP (3) L’Association Québécoise du Codéveloppement Professionnel, Michel Desjardins (2) nous donne une vision des phases et conditions de réussite de l’organisation de Groupe de Codéveloppement

Michel Desjardins et l’un des piliers de l’AQCP, une figure reconnue au niveau international, et cela me semble très intéressant de partir d’une synthèse de sa pensée :

Dans le tableau reproduit ci-dessous – dans les références -, il identifie 5 phases et conditions de mise en place:

  1. Une évaluation de la pertinence du ou des GDP
  2. Un champion crédible
  3. Un programme
  4. Une mise en place
  5. Une culture de la collaboration et d’apprentissage

 

Dans le schéma en référence (4) , la phase 5. Une culture collaboration et apprentissage est parallèle aux autres étapes de la mise en place.

Cette condition pourrait aussi bien être numéroté 0, être vue comme un prérequis. Cependant, cette culture (collaboration et apprentissage) pourrait / devrait être la finalité ou l’objectif stratégique de la mise en place des groupes de codev.

L’évaluation initiale (phase 1)

Cette phase prendra nécessairement en compte cette dimension culturelle,. Pour une vue globale de l’état de l’organisation je recommande l’outil de Diagnostic LeDiag (5).

 

La phase 2 / ou plutôt la condition 2 – Un champion crédible

Cela peut se comprendre à deux niveaux, selon que l’on se situe au niveau stratégique ou opérationnel:

Au niveau opérationnel, celui qui nous intéresse aujourd’hui, ce champion crédible pourrait être l’organisateur, si l’on suit la terminologie de Payette et Champagne, dans leur ouvrage et de référence (6).

L’organisateur organise – Il identifie et analyse les intérêts des parties prenantes (l’organisation et ses membres) ; évalue la faisabilité de la mise en place, et propose une stratégie de mise en œuvre, notamment si l’organisation envisage de faire du codev de masse que l’on peut définir comme la mise en oeuvre systématique de groupes de codéveloppement de manière séquentielle ou en parallèle au sein de l’organisation.

L’organisateur peut aussi se voir confier des tâches de suivi / reporting, voire de composition des groupes, de repérage, sélection et suivi des facilitateurs externes et/ou externes.

Au niveau stratégique : on peut comprendre le champion comme le parrain ou sponsor de l’initiative ; idéalement il doit se situer au niveau du COMEX ou CODIR ou de toute autre instance de haut niveau au sein de l’organisation.

On ne lui demandera pas de suivi opérationnel, mais une bonne compréhension des enjeux, la capacité de parler du codev d’expérience, dans le sens où il aura vécu en tant que participant plusieurs séances de codev, pour pouvoir en parler de manière crédible et convaincante.  Et il sera dans une position hiérarchique lui donnant une capacité d’influencer les décisions au plus haut niveau et d’apporter son soutien lors de la prise de décision.

La phase 3 – élaboration du programme :

Une fois la décision prise d’y aller, après expérimentation selon différentes modalités/ rythmes et avec des populations variées, une stratégie de déploiement sera élaborée et le suivi de sa mise en œuvre sera organisé en tenant compte des règles de confidentialité, notamment, du contenu des échanges au sein des groupe.

La phase 4 : Mise en place des Groupes de Codev

Comme pour toute action / dispositif de formation de grande ampleur ; on veillera à la communication, pour créer le désir de participation (volontaire) et mettra en place les mesures de soutien, d’accompagnement et d’évaluation continue de la mise en œuvre – et l’on veillera à la cohérence des actions avec tout programme de changement concomitant dont les groupes de codev seraient (eux-mêmes) un des éléments de soutien à la mise en œuvre.

Enfin, la phase 5 ou 0 – Culture de collaboration et  d’apprentissage

Est une dimension de l’organisation apprenante au sens de Peter Senge (7)  (l’organisation apprenante, selon Peter Senge repose sur 5 piliers ou 5 discipline. La 5ème Discipline étant celle de la pensée systémique.

Le lien avec le CODEV est évident comme Frédéric Demarquet (8) nous l’explique dans son avant-propos au livre « Les (nouveaux) chemins du codéveloppement » déjà évoqué en introduction.

Les 4 autres disciplines, telles que résume sont :

La maîtrise personnelle : clarifier notre approche de la réalité

Les modèles mentaux : apprendre à nous défaire de nos préjugés

La vision partagée : savoir relier des individus ensemble

L’apprenance en équipe : favoriser la réflexion collective par le dialogue.

 

Et si l’on formait les organisateurs?

Si l’offre de formation de facilitateurs est abondante sur le marché français, je n’ai rien trouvé de spécifique à la formation d’organisateur. Tout au plus, cette dimension sera abordée dans des modules dédiés à la mise en œuvre du codev dans une entreprise.

Selon les offres les formations la durée des formations de facilitateur va de 4 jours à 11 ou 12 jours si l’on inclut le module dit d’accréditation.

 

Quels seraient les prérequis que nous pourrions mettre à la formation des Organisateurs?

L’organisateur doit-il être formé à la facilitation ?

L’organisateur doit-il avoir vécu plusieurs groupes de codev en qualité de participant (client et consultant) ?

A ces deux questions j’aurais tendance à répondre oui. Impérativement dans le cas de la deuxième question, et hautement souhaitable pour la première question, notamment si l’organisateur est amené à sélectionner les facilitateurs.

Quel pourrait-être le contenu d’une telle formation ?

Ma stratégie serait, après les présentations d’usage, l’activité brise-glace, la présentation du programme (dispositif) de mettre très vite en situation de CODEV authentique en demandant à l’un des participants (choisi à l’avance et en accord avec lui) de jouer le rôle du facilitateur.

Ensuite, après un long debrief de cette séance que je ferai tenir sur 1 heure 30, je mettrais l’ensemble des acteurs dans un processus d’ACTION LEARNING, tel que l’envisageait Reg Revans  pour leur faire élaborer de manière collaborative la stratégie et le programme d’action au sein de l’organisation.

Si le commanditaire nous en donnait les moyens et le temps, je ferais aussi un long passage par le modèle élaboré par Etienne-Wenger-Trayner et Beverly Wenger-Trayner (9)

Pour en savoir Plus sur ce modèle, vous pouvez vous reporter à cette vidéo: une interview des auteurs dans le cadre d’une manifestation organisée en Allemagne en 2021

Conclusion

 

La réussite de la mise en place des groupes de codéveloppement professionnel à une grande échelle dans une organisation, repose sur un acteur identifié comme « organisateur », appelé parfois « champion » dans la littérature. Or, si l’offre de formation à destination des facilitateurs est pléthorique sur le marché français, il n’existe à notre connaissance aucun dispositif dédié spécifiquement aux organisateurs. Il y a là certainement une place à prendre sur le marché français.

 

Références

  1. Les (nouveaux) chemins du codéveloppement, éditions Géréso, février 2022 : https://librairie.gereso.com/livre-developpement-professionnel-et-personnel/efficacite-professionnelle/les-nouveaux-chemins-du-codeveloppement-codv.html
  2. 2 AQCP : https://www.aqcp.org/
  3. Michel Desjardins : https://www.linkedin.com/in/desjardinsmichel22/
  4. Boulet, J.-F. et Desjardins, M. (Novembre 2015) La pérennité des groupes de codéveloppement à Industrielle Alliance, dans Coin de l’expert de l’Ordre des CRHA.
  5. LeDiag : https://diagmngt.net/prepainscription.jsp?c=XRJJ642rhA
  6. Adrien Payette et Claude Champagne, Le Groupe de codéveloppement professionnel – Presses de l’Université du Québec, 1997
  7. Peter Senge, La 5e Discipline, 2e  édition, Eyrolles, 2016
  8. Profil LinkedIn Frédéric Demarquet : https://www.linkedin.com/in/fredericdemarquetsiisntitut/

 

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