Théories et pratiques de l’apprentissage situé 17/101

Cognition in Practice (2/n)

Introduction

Dans le billet précédent, je vous ai présenté la structure du livre de Jean Lave  « Cognition in Practice – Mind, Mathematics and Culture in Everyday Life »
Ici, je veux témoigner de l’impact d’une première lecture. Bien que cette première lecture ne soit pas, et de loin, mon premier contact avec la théorie, je perçois seulement maintenant les implications de  cette théorie sur mon propre système de croyances/connaissances. Il s’agit d’une révolution copernicienne. De la même manière que la vision du monde (système solaire) à été bouleversée par Copernic, ma vision de la cognition, de la culture, des mécanismes de résolution de problème, sont a minima déstabilisés.  Dans cet article, je résumerai la préface du livre, et, en deuxième partie ferait un nouveau point sur ce qui a été « ébranlé » par cette première lecture sans trop savoir comment cette connaissance fraîchement acquise va transformer ma manière d’agir, en situation.

Résumé très rapide de la préface

Jean Lave commence ainsi son livre :

« Il semble impossible d’analyser l’éducation – à l’école, dans le cadre d’un apprentissage ou sous toute autre forme – sans prendre en considération ses relations avec le monde auquel elle prépare les gens de manière ostensible. »

Jean Lave  nous donne très vite le déclencheur de son projet « The Adult Math Project » support de recherche dont le but était de faire une étude comparative de ce qu’elle appelle les « mathématiques de tous les jours » (everyday mathematics), notamment, celles utilisées par les personnes faisant leurs courses dans un supermarché et le besoin d’élaborer un cadre théorique qui rendrait compte de la structuration située de l’activité cognitive [2]

Ce qui a été déstabilisé

J’ai depuis longtemps été attiré par la connaissance théorique de l’apprentissage, et je constate, plus que jamais, que malgré les très nombreuses années consacrées à cette étude, ces connaissances, restent superficielles, théoriques et difficilement utilisables dans la pratique, ou du moins sont remises en cause par la théorie de l’apprentissage situé.

Ma pratique, c’est de réaliser l’ingénierie de dispositif de formation multimodale. J’en maîtrise tous les aspects méthodologiques, j’ai derrière moi une carrière entière de projets complexes menés à bien avec des équipes de conception/réalisation distribuées sur plusieurs continents. Et si, le plus souvent, les commanditaires sont satisfaits ou très satisfaits (objectifs atteints / dépassés), ce qui a été produit, le dispositif, risque de n’avoir que peu d’utilité pour l’apprenant, car hors contexte (on dirait décontextualisée); alors qu’il faudrait l’accompagner, en situation, dans l’usage de ressources, dans son environnement de travail, en temps réel.

Un autre aspect qui m’interpelle, c’est la place de la culture et de la langue dans le processus d’apprentissage, l’un et l’autre intervenant dans la perception (subjective) de toute situation. Si j’ai des convictions (à ce stade on peut dire des croyances fondées sur des connaissances théoriques lointaines, susceptibles d’être déjà obsolètse, et des observations pratiques, personnelles déclenchées par une réflexion sur la notion d’identité(s) maintenant que je vis en Allemagne.

Pour parler comme Heinz Wismann [3] – Qui suis-je quand je pense entre les langues? Quel est l’effet de la langue dans laquelle je pense à un instant T sur ce que je vais penser? Comment cela influe-t-il sur ma manière d’interagir avec les autres? La première lecture du livre m’encourage à explorer encore plus profondément cela, dans la sphère privée et dans la sphère professionnelle

Références et billets précédents

[1] It seems impossible to analyze education – in schooling, craft apprenticeship, or any other form – without considering its relations with the world for which it ostensibly prepares people.

[2] the Liberian research challenged the importance of learning transfer as a source of knowledge and skill across situations,raised doubts about experimental methods of investigating cognition, and made plain the need for an alternative analytic framework with which to approach the study of everyday practice. Since these doubts ran to the very heart of cognitive anthropology and psychology, it seemed important to pursue the discoveries of the Liberian project in a comparative study of everyday mathematics in the US; even more urgent, clearly, was the need to fmd a theoretical framework that would account for the specifically situated structuring of cognitive activity, including mathematical activity, in differentcontexts. The Adult Math Project was born of these concerns.

[3] « Penser entre les langues » Heinz Wismann (2012)

Billet 1Définitions de l’apprentissage situé

Billet 2Pourquoi s’intéresser à la théorie de l’apprentissage situé?

Billet 3:  Démarche et retour aux sources

Billet 4: Mai 1968 et l’apprentissage situé

Billet 5:  Apprentissage situé et conversation

Billet 6: Lucy Suchman, mon téléphone portable et moi

Billet 7: Conversations avec moi-même (n° 1)

Billet 8: L’apprentissage situé mis en pratique, cela ferait quoi?

Billet 9: Contribution de la psychologie soviétique à la théorie de l’apprentissage situé

Billet 10Les apports de la philosophie à la théorie de l’apprentissage situé

Billet 11Focus sur l’école Dewey

Billet 12Apports de la psychologie de la perception – la notion d’affordance

Billet 13: Apprentissage situé et intelligence artificielle, deep learning, réalité virtuelle, réalité augmentée, etc…

Billet 14: Conversations avec moi-même (N°2)

Billet 15: Quand John Dewey rencontre Jean Lave

Billet 16: Cognition in Practice (1/n)

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